Pollution de l’air : quels risques pour quels niveaux de protection ?

article d’Audrey Garric publié le 14 mars 2014 par le journal Le Monde
 

L’air est irrespirable. La France vit littéralement sous un couvercle de pollution. Le seuil d’alerte à la pollution aux particules était encore dépassé, vendredi 14 mars, pour la quatrième journée consécutive en Ile-de-France, ainsi que dans une trentaine de départements couvrant une large partie du Nord et la région Rhône-Alpes.

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Quelles sont les valeurs limites et les conséquences pour la santé des polluants atmosphériques, classés cancérogènes par l’Organisation mondiale de la santé(OMS) ?

Les principaux polluants et leurs dangers

Quatre polluants atmosphériques sont particulièrement mesurés en raison de leur dangerosité pour la santé : les particules fines (PM10 et PM2,5), le dioxyde d’azote (NO2), le monoxyde de carbone (CO) et l’ozone (O3).

Les particules fines en suspension dans l’air (« particulate matter », PM, en anglais) sont principalement émises par le trafic routier (dont 70 % proviennent, en Ile-de-France, de la combustion du gazole), du chauffage au bois, de la transformation d’énergie par l’industrie et de l’agriculture avec l’utilisation d’engrais. La situation climatique joue également : en cas de grand froid, d’inversion de température ou d’absence de vent, l’air ne se renouvelle pas, ce qui augmente le taux de particules en suspension.

Lire :  Pourquoi l’air est pollué quand il fait chaud en hiver

Deux catégories de particules sont particulièrement dangereuses : les PM10, d’un diamètre inférieur à 10 micromètres (10 µm, soit 10 millièmes de millimètre) et les PM2,5, dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres et peuvent, en raison de leur très petite taille, facilement pénétrer profondément dans les voies respiratoires. La liste des maux qu’elles provoquent est longue : bronchitechronique, asthme, cancer du poumon, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde ou encore problèmes placentaires.

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Retrouvez en moins de deux minutes chrono’ le meilleur de l’antenne de BFMTV de ce vendredi 14 mars. Retour sur les pics de pollution, qui recouvrent Paris et sur l’avocat de Nicolas Sarkozy, qui réagit après la condamnation de Patrick Buisson dans l’ affaire des enregistrements.

Malgré tout, il reste difficile de chiffrer précisément l’impact sanitaire des particules fines en termes de mortalité. Les chiffres de 42 000 morts en France et 386 000 en Europe régulièrement avancés, sont fondés sur une étude de la Commission européenne utilisant des données datant d’une quinzaine d’années.

L’étude la plus à jour est sans doute celle qui est issue du programme européen Aphekom, reprise par l’Institut de veille sanitaire (INVS) en 2012, qui a passé au crible 25 villes de l’Union européenne, dont 9 en France. Les experts ont conclu à des espérances de vie réduites, à 30 ans, de 3,6 à 7,5 mois selon les villes. Autotal, 2 900 morts prématurées sont dues chaque année aux particules fines sur ce bassin de 12 millions d’habitants.

Lire : Particules fines : vraiment 42 000 morts par an en France ?

Surtout, une exposition prolongée aux particules a un effet néfaste sur la santé, même lorsque les concentrations restent en deçà des normes. Une étude conduite par Dr Rob Beelen (Université d’Utrecht, aux Pays-Bas), publiée le 9 décembre 2013 dans la revue médicale The Lancet, a ainsi conclu que chaque hausse de 5 microgrammes par mètre cube de la concentration en PM2,5 en un an augmente le risque de mourir d’une cause naturelle de 7 %.

Les oxydes d’azote (NOx), notamment le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2), se forment lors de combustions à haute température. Ils peuventaltérer la respiration et provoquer des bronchites, particulièrement chez les asthmatiques et les enfants. Ils participent également aux phénomènes des pluies acides, de même que le dioxyde de soufre (SO2).

Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz incolore, inodore et sans saveur, produit par la combustion incomplète de matières organiques (gaz, charbon, fioul, carburant, bois). Principales sources de monoxyde de carbone (CO) : le traficautomobile et le mauvais fonctionnement des appareils de chauffage domestiques. Le CO est principalement un poison sanguin. Il se fixe à la place de l’oxygène sur l’hémoglobine du sang, conduisant à un manque d’oxygénation du système nerveux, du cœur et des vaisseaux sanguins. Conséquences : maux de tête, nausées, vomissements, vertiges, jusqu’à la mort en cas d’intoxication grave.

L’ozone (O3), présent naturellement dans la stratosphère (la couche d’ozone intercepte les rayons ultraviolets du Soleil), se révèle dangereux en excès dans les basses couches de l’atmosphère (la troposphère). C’est alors un polluant dit « secondaire » dans la mesure où il n’est pas rejeté directement dans l’air mais se forme par réaction chimique entre des gaz « primaires » d’origine automobile et industrielle (NOx, CO et composés organiques volatils, COV), sous l’effet des rayonnements solaires. Capable de pénétrer profondément dans les poumons, il provoque à forte concentration des inflammations des bronches, gênes respiratoires et irritations oculaires.

Les seuils réglementaires

Les niveaux maximaux de concentration recommandés ou obligatoires ne sont pas les mêmes selon les pays et selon la durée d’exposition aux divers polluants, rendant leur compréhension malaisée.

En France, un premier seuil a été fixé, au-delà duquel l’air n’est plus considéré comme de bonne qualité. Pour les particules PM10, cet objectif de qualité  se situe à 30 microgrammes par mètre cube (50 μg/m3) en moyenne annuelle. Mais cette mesure est effectuée dans les stations « de fond », c’est-à-dire éloignées des sources de pollution (par exemple dans les parcs) et non le long du trafic. Elle est par ailleurs supérieure à la valeur recommandée par l’OMS, fixée à 20 μg/m3.

En cas de pic de pollution, deux niveaux de procédure sont ensuite déclenchés dans chaque région : le niveau d’information et de recommandation, enclenché lorsque les concentrations de particules PM10 excèdent 50 microgrammes par mètre cube (50 μg/m3) en moyenne sur vingt-quatre heures. Les agences de surveillance de la qualité de l’air informent de la situation les préfectures et les médias. Puis le niveau d’alerte est atteint quand les concentrations dépassent 80 μg/m3. Ce seuil se traduit par la diffusion de consignes de protection sanitaire et de réduction des émissions de polluants (limitation de la vitesse, gratuité des transports en commun, etc.) par les préfectures.

En dépassant ces niveaux, la France risque d’enfreindre la législation européenne.

Depuis 2008, une directive européenne impose en effet de ne pas dépasserpour les PM10 une concentration journalière de 50 µg/m3 pendant plus de trente-cinq jours (la valeur réglementaire la plus contraignante), et de 40 µg/m3 en moyenne pendant une année. Ce que la France ne respecte pas. En Ile-de-France, par exemple, Airparif a enregistré trente-trois jours de dépassement des seuils réglementaires (dont six du seuil maximal d’alerte) l’an dernier et quarante dépassements en 2012 (dont quatre du seuil d’alerte), tandis que 1,1 million de Parisiens étaient exposés à des dépassements. Une procédure a été lancée en 2011 par la Commission européenne contre Paris, qui risque de devoir verser plusieurs millions d’euros par an pour non-respect des seuils de pollution de l’air.

Il n’y a par contre pas de réglementation pour les PM2,5, pourtant plus dangereuses que les PM10. L’Union européenne a fixé son objectif de qualité à 20 μg/m3 en moyenne pendant une année, tandis que l’OMS recommande, elle, une valeur de 10 μg/m3 pendant une année et de 25 μg/m3 en moyenne pendant vingt-quatre heures.

La France est également en infraction concernant le dioxyde d’azote (NO2). En 2011, 2,1 millions de Parisiens étaient par exemple exposés à la valeur limite moyenne annuelle de 40 µg/m3selon Airparif.

Les mesures à prendre pour se protéger

Le ministère de la santé recommande aux personnes vulnérables ou sensibles (femmes enceintes, enfants de moins de 5 ans, personnes de plus de 65 ans, asthmatiques, diabétiques ou malades cardiaques) de réduire leurs activités physiques intenses, surtout en extérieur, et d’éviter de sortir en début de matinée ou en fin de journée, notamment aux abords des axes routiers fréquentés. Ces conseils ne s’appliquent à la population générale qu’en cas de gêne inhabituelle (fatigue, mal de gorge, toux, essoufflement, palpitations).

L’air intérieur des habitations et des bureaux peut également être affecté par la pollution extérieure. « Il reste nécessaire d’aérer – au moins dix minutes par jour –les espaces intérieurs et de s’assurer que les systèmes de ventilation fonctionnent correctement », préconise Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Il est par contre inutile de se protéger avec un foulard ou un masque de chirurgie, seuls certains masques équipés de filtres à charbon peuvent être efficaces, selon Airparif.

Quant au mode de déplacement, mieux vaut privilégier le vélo ou à la marche à pied à la voiture, en raison de l’absence d’environnement confiné et de la possibilité de s’éloigner du flux de circulation grâce, par exemple, aux pistes cyclables. Et à condition de pédaler à un rythme modéré afin d’éviter l’hyperventilation et donc l’inhalation excessive de polluants.

 

http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/03/14/pollution-de-l-air-quels-risques-pour-quels-niveaux-de-protection_4383192_3244.html